Audience du 17 octobre 2013
Cour d’appel de Paris / Cour
de cassation / Conseil
constitutionnel
N°
du Parquet :
N° RG :
Question prioritaire
de constitutionnalité N° 1
(Article 29 alinéa
2 : injure publique)
Pour :
Monsieur Dieudonné MBALA MBALA, né le 11
février 1966 à FONTENAY AUX ROSES (92), de nationalité française, exerçant la
fonction d’humoriste chanteur, domicilié au 1 route des volaillers 28410 SAINT
LUBIN DE LA HAYE ;
Ayant pour Avocat sur la QPC Me François
DANGLEHANT, Avocat au Barreau de BOBIGNY, 1 rue des victimes du franquisme
93200 SAINT DENIS ; Tel - Fax 01 58 34 58 80 ; Toque PB 246 et,
Me Jacques VERDIER , Avocat au barreau d’AURILLAC, 6 rue Jules FERRY, 15000
AURILLAC ; Tel 04 71 43 15 00 ; Fax 04 71 48 98 91 ;
Ayant pour Avocat sur le principal Me Jacques
VERDIER, Avocat au barreau d’AURILLAC, 6 rue Jules FERRY, 15000 AURILLAC ;
Tel 04 71 43 15 00 ; Fax 04 71 48 98 91 ;
Partie civile :
- LIGUE CONTRE LE RACISME ET L’ANTISEMITISME, 42 rue du
Louvre 75002 PARIS (non comparante) ;
- SOS RACISME ET TOUCHE PAS A MON POTE, 5 rue de Flandre,
75019 PARIS (non comparant) ; Ayant pour Avocat Me GHNASSIA et Me
SCEMAMA Avocats au Barreau de PARIS ;
- ASSOCIATION DES ETUDIANTS JUIFS DE France (non comparante) 12
avenue Pirre premier de Serbie 75016 PARIS ; Ayant pour Avocat Me Stephane
LILTI, Avocat au Barreau de PARIS ;
- ASSOCIATION J’ACCUSE 12 avenue Pirre premier de Serbie
75016 PARIS (non comparante) ; Ayant pour Avocat Me Stephane LILTI, Avocat
au Barreau de PARIS ;
- DEFENSE DES
CITOYENS 3 allée de la Puisaye 92160 ANTONY (non comparante) ;
- HALTE A LA
CENSURE, A LA CORRUPTION, AU DESPOTISME, A L’ARBITRAIRE, 12 rue Oudot 94000
CRETEIL, comparante en la personne de Joël BOUARD ;
- CITOYEN ANTI
MAFIA JUDICIAIRE, comparante en la personne de Gérard PRELORENZO ;
- INSTITUT DE
RECHERCHE CONTEMPORAINE D’HISTOIRE DU 20 EME SIECLE, 12 rue Oudot, 94000
CRETEIL, comparante en la personne de Joël BOUARD ;
- Monsieur Gérard PRELORENZO, Chez CAMJ,
12 rue Oudot, 94000 CRETEIL (comparant) ;
- Monsieur
Philippe ABITBOL, Maison central, 17 rue de l’Abbaye 78000 POISSY (non
comparant) ;
- Monsieur
Germain GAIFFE, Maison centrale , 17 rue de l’Abbaye 78000 POISSY (non
comparant) ;
- Monsieur
Alfredo STRANIERI, Maison centrale , 17 rue de l’Abbaye 78000 POISSY (non
comparant) ;
En présence de :
Monsieur le
Procureur général
Plaise à la Cour
d’appel - Plaise à la cour de cassation
I Observations préliminaires
01. La
procédure permettant à un justiciable de contester la validité d’une
dispositions législative au regard des principes à valeur constitutionnelle
(QPC) n’a pas modifié la
jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, jurisprudence rappelant que les juridictions
du fond ne peuvent en aucun cas apprécier la validité d’une loi au regard des
principes posés par la Déclaration de 1789, Cass 1ère Civ., 1er octobre 1986, N°
84-17090 :
« Mais attendu, d'abord, que les tribunaux
(juridiction de droit commun) doivent appliquer la loi sans pouvoir en écarter
certaines dispositions en raison de leur prétendue contrariété à des principes
de caractère constitutionnel et en particulier aux dispositions de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 auxquelles le
préambule de la constitution du 4 octobre 1958 s'est borné à renvoyer »
II Observations
liminaires
02. Le Conseil
constitutionnel vient de déclarer l’une des dispositions de la loi du 29
juillet 1881 non conforme à la Constitution, Conseil constitutionnel, 20 mai
2011, Décision N° 2011-131 QPC :
« 7. Considérant que, par
suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, le cinquième alinéa de
l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée doit être déclaré contraire
à la Constitution ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité est applicable
à toutes les imputations diffamatoires non jugées définitivement au jour de la
publication de la présente décision,
D É C I D
E :
Article 1er.- Le cinquième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet
1881 sur la liberté de la presse est déclaré contraire à la Constitution »
03. De la même manière,
les requérants estiment que l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881
n’est pas conforme à nos principes constitutionnels.
04. Le requérant pense
utile de rappeler que dans plusieurs grands pays démocratiques, il n’existe
aucune loi pénale visant à restreindre la liberté d’expression.
05. Aucune loi pénale
sur la diffamation ou l’injure par exemple aux ETATS UNIS.
06. S’il n’existe pas de
loi pénale en matière de diffamation ou d’injure dans plusieurs grands pays
démocratiques, cette situation est liée au fait qu’il est impossible de
définir les critères matériels de telles infractions.
07. En FRANCE, les
infractions constituées par la loi sur la presse sont définies par des critères de nature sociologique
et, gouverné par le principe de présomption de culpabilité.
08. Réservé.
III Procédure
applicable en matière de QPC
09. Il convient de distinguer
l’ordonnance organique du 7 novembre 1958 (A), des dispositions du Code de
procédure pénale (B).
A) Ordonnance organique
du 7 novembre
1958
09-1. L'article 23-1 de
l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 prescrit :
« Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou
de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative
porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine
d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut
être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé
d'office.
Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation,
lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est
communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son
avis »
09-2. L'article 23-2 de
l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 prescrit :
" La juridiction statue sans délai par une
décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de
constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé
à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
1° La disposition
contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement
des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été
déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une
décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas
dépourvue de caractère sérieux.
En tout état de cause, la juridiction doit,
lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition
législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution
et, d'autre part, aux engagements
internationaux de la France, se
prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité
au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation.
La décision de
transmettre la question est adressée au Conseil d'Etat ou à la Cour de
cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les
conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de
transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours
contre la décision réglant tout ou partie du litige "
B) Code de procédure
pénale
09-3.
L’article R 49-21 du Code de procédure pénale prescrit :
« Conformément aux dispositions de
l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi
organique sur le Conseil constitutionnel, la partie qui soutient, à l’appui
d’une demande déposée en application des règles du présent code devant une
juridiction d’instruction, de jugement, d’application des peines ou de la rétention
de sûreté, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés
garantis par la Constitution doit, à peine d’irrecevabilité, présenter ce moyen
dans un écrit distinct et motivé.
La juridiction doit relever d’office
l’irrecevabilité du moyen qui n’est pas présenté dans un écrit distinct et
motivé »
09-4.
L’article R 49-25 du Code de procédure pénale prescrit :
« La juridiction statue sans délai, selon
les règles de procédure qui lui sont applicables, sur la
transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, après que le ministère public et les parties,
entendues ou appelées, ont présenté leurs observations sur la question
prioritaire de constitutionnalité.
La juridiction peut toutefois statuer sans
recueillir les observations du ministère public et des parties s’il apparaît de
façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu’il n’y a pas lieu de transmettre
la question prioritaire de constitutionnalité.
Dès lors qu’elles sont présentées par écrit, les
observations du ministère public et des autres parties doivent figurer dans un
écrit distinct et motivé. A défaut, elles ne peuvent être jointes à la décision
transmettant la question à la Cour de cassation »
09-5.
L’article R 49-28 du Code de procédure pénale prescrit :
« Le greffe avise les parties et le ministère
public par tout moyen et sans délai de
la décision statuant sur la transmission de la question prioritaire de
constitutionnalité à la Cour de cassation.
En cas de décision de transmission, l’avis aux
parties précise que celle-ci n’est susceptible d’aucun recours et que les
parties qui entendent présenter des observations devant la Cour de cassation
doivent se conformer aux dispositions de l’article R.* 49-30, qui est reproduit
dans l’avis, ainsi que le premier alinéa de l’article R.* 49-32. L’avis est
adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception aux parties qui
n’ont pas comparu.
En cas de
décision de refus de transmission, l’avis aux parties précise que celle-ci ne
peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours formé contre une décision
ayant statué sur la demande au cours de la procédure »
+ + + +
09-6. La
Question prioritaire de constitutionnalité constitue donc une « Question
préjudicielle » et non une « Question préalable ».
09-7. Une
« Question préalable » constitue
une question première que
la juridiction en charge du principal est compétente pour trancher.
09-8. Une
« Question préjudicielle » constitue
une question première que
la juridiction en charge du principal n’est pas compétente pour trancher.
09-9. En
matière de Question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation
n’est pas compétant pour trancher la discussion portant sur la validité
constitutionnelle de telle ou telle disposition législative. Cass 1ère Civ., 1er
octobre 1986, N° 84-17090
09-10.
Compte tenu de la nature de la QPC posée, les requérants demandent à la Cour de
transmettre cette QPC à la Cour de cassation, qui, elle-même devra transmettre au
Conseil constitutionnel pour vérification de la conformité de l’infraction
d’injure publique au regard des principes constitutionnels visés. Cass 1ère Civ., 1er
octobre 1986, N° 84-17090.
IV Champ d’application de la procédure dite
« QPC »
09-11. L’article 62 de la Constitution
prescrit :
« Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont
susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à
toutes les autorités administratives et juridictionnelles »
09-12. L’article 23-1 de l’ordonnance
organique pose le principe qu’un justiciable peut contester une disposition législative au regard de la Constitution.
09-13. Par une jurisprudence
performative, le Conseil constitutionnel a étendu le champ d’application de l’article 23-1 de l’ordonnance organique,
désormais, un justiciable peut :
-
contester
la validité d’une disposition législative ;
- contester
la validité de l’interprétation jurisprudentielle d’une disposition législative
par la Cour de cassation ou par le Conseil d’Etat.
Conseil
constitutionnel, 4 février 2011 -
Décision N° 2010-96 QPC
« 2.
Considérant que le requérant fait valoir que, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation,
la commission départementale de
vérification des titres ne peut valider que les titres de propriété délivrés à
l'origine par l'État ; qu'il soutient que la disposition ainsi interprétée est
contraire au droit de propriété, au principe d'égalité et à la sécurité
juridique ;
3.
Considérant qu'il ressort des arrêts de la Cour de cassation du 2 février 1965,
confirmés depuis lors, que la validité d'un titre de propriété portant sur un
terrain situé dans la zone des cinquante pas géométriques est subordonnée à la
condition que ce titre ait été délivré par l'État, qui seul a pu procéder à la
cession à un tiers d'un terrain en faisant partie ;
4. Considérant qu'en posant
une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de
contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation
jurisprudentielle constante confère à cette disposition ;
Conseil
constitutionnel, 6
mai 2011 - Décision N° 2011-127 QPC
« 4.
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation
sur ces dispositions que sont seules applicables à tous les bénéficiaires des
prestations du régime social des gens de mer les dispositions de leur régime
spécial, lequel ne prévoit aucun recours contre l'armateur en raison de sa
faute inexcusable ;
5. Considérant qu'en posant une question
prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la
constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation
jurisprudentielle constante confère à la disposition législative
contestée »
+ + + +
09-14. Au travers cette QPC, le requérant
entende contester :
-
la
validité de l’article 29 aliéna 2 de la loi du 29 juillet 1881 ;
-
la
portée effective de la jurisprudence de la Cour de cassation concernant
l’application de l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881.
09-15. Par ces importantes décisions des
4 février et 6 mai 2011, le Conseil constitutionnel a répondu à la Cour de
cassation, qui avait refusé de lui transmettre une QPC portant sur l’article 29
la loi du 29 juillet 1881 au motif que, le justiciable contestait non pas une
disposition législative, mais l’interprétation
qu’en avait donné la Cour de cassation,
au regard du caractère spécifique de la diffamation
09-16. En effet, par un arrêt fort
contestable prononcé le 31 mai 2010, la Cour de cassation a refusé de
transmettre une QPC portant sur l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 au
motif que le justiciable contestait en réalité, une jurisprudence de la Cour de
cassation, Cass. Crim., 31 mai 2010, N° 09-87578
« Et attendu que la question posée ne présente pas un
caractère sérieux en ce qu'elle tend, en réalité, non à contester la
constitutionnalité des dispositions qu'elle vise, mais l'interprétation qu'en a donnée la
Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la diffamation » (Présomption de
culpabilité)
+ + + +
09-17. Deux observations :
- Le justiciable a effectivement contesté
l’interprétation de la Cour de cassation concernant le régime juridique de
l’infraction ;
- La Cour de cassation raisonne en terme
de « caractère spécifique de la diffamation », qu’est-ce à dire ? Il s’agit d’une
infraction gouvernée par le principe de présomption
de culpabilité, voilà ce qui est spécifique en matière de diffamation et
d’injure publique, plus généralement quant à la loi du 29 juillet 1881 et ce,
en fonction d’un régime juridique qui n’a jamais été voté au Parlement et, qui
n’a donc jamais été publié au Journal officiel.
09-18. En effet, le principe
de présomption de culpabilité qui gouverne la loi sur la presse a été posé par
un arrêt prononcé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation en 1883, Cass.
Crim. 30 juin 1883 : DP 1887, I, p 341 :
« Qu’en
matière de diffamation, l’intention de nuire est présumée … »
09-19. Le principe de présomption de
culpabilité gouverne également l’infraction d’injure publique, Cass.
Crim., 10 mai 2006, Pourvoi n° 05-82971 :
« Attendu
que les expressions outrageantes, termes de mépris ou invectives sont
réputés de droit prononcés avec une intention coupable et que seule l'excuse de provocation est de
nature à leur ôter leur caractère punissable »
+ + + +
09-20. Les infractions dites « de
presse », relèvent donc d’une justice pénale particulière, car ces
infractions sont gouvernées par le principe
de présomption de culpabilité,
régime juridique décidé
illégalement par la Chambre
criminelle de la Cour de cassation, régime juridique non voté par le Parlement,
non publié au Journal officiel et, dont les Magistrats font donc une
application avec effet rétroactif, comme pour la loi du 14 août 1941, loi qui
avait créé les très regrettables « Sections spéciales ».
09-21. Le Conseil constitutionnel, par
une jurisprudence constante, qui s’impose la Cour de cassation, sur le
fondement de l’article 62 de la Constitution, en réponse aux décisions prises
par la Cour de cassation sur la loi du 29 juillet 1881, a décidé, que les
justiciables sont en droit de contester la constitutionnalité de la portée
effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à la disposition
législative contestée, Conseil constitutionnel, 4 février 2011 - Décision N° 2010-96
QPC ; Conseil constitutionnel, 6 mai 2011 - Décision N° 2011-127 QPC :
« Considérant
qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a
le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle
constante confère à la disposition
législative contestée »
09-22. Le Conseil constitutionnel a posé
un principe très clair qui s’impose à tous les Magistrats, les justiciables ont
le droit, dans le cadre d’une QPC, de contester une jurisprudence de la Cour de
cassation, jurisprudence qui porterait atteinte à un principe à valeur
constitutionnelle.
09-23. C’est précisément le cas du
requérant, il conteste la jurisprudence de la Cour de cassation qui a placé les
infractions de diffamation et d’injure sous le régime juridique de présomption
de culpabilité et ce, en violation de l’article 9 de la DHDC de 1789.
09-24. Le Conseil constitutionnel est
l’unique formation de jugement pouvant se prononcer sur cette question, dès lors,
la transmission d’une QPC de cette nature est obligatoire, sauf, à priver le demandeur de la possibilité
de contester une jurisprudence portant atteinte à un principe constitutionnel. Conseil
constitutionnel, 4 février 2011 –
Décision N° 2010-96 QPC ; Conseil constitutionnel, 6 mai 2011 - Décision N° 2011-127
QPC.
09-25. Du fait que le requérant conteste
la validité de la loi, mais également la portée jurisprudentielle effectuée par
la Cour de cassation quant aux dispositions législatives contestées et, que le
Conseil constitutionnel constitue l’unique juridiction pouvant trancher cette
discussion, la Cour de cassation ne pourra refuser la transmission de cette
QPC, sauf à priver les requérants des droits attachés à tous citoyens.
09-26. C’est pourquoi, le requérant
demande à la Cour, après avoir constaté sa propre incompétence pour trancher la
discussion portant sur la validité constitutionnelle de l’article 29 alinéa 2
de la loi sur la presse au regard des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de
1789, de transmettre ces QPC à la Cour de cassation.
V Faits
1. Le 27 novembre 2012, le requérant a
été condamné par la 17ème Chambre du Tribunal correctionnel de
PARIS, sur le fondement de l’article 29 aliéna 2 de la loi du 29 juillet
1881 (Pièce n° 1) :
2. Le requérant a fait appel de cette
décision.
3. C’est dans ce cadre que le requérant
forme la QPC N° 1.
VI Discussion sur la recevabilité de la QPC
4. En l’espèce, le requérant a été cité devant
le Tribunal correctionnel sur le fondement de l’article 29 alinéa 2 de la loi
de 29 juillet 1881.
5. Les requérant estime l’article 29
alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 n’est pas conforme à la Constitution pris
sous l’angle des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de 1789.
6. Il convient dès lors de rappeler les
principes constitutionnels en cause (A) et les dispositions législatives
contestées (B).
A) Principes constitutionnels en cause
7. L’article 7 de la Déclaration de
1789 prescrit :
« Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans
les cas déterminés par la Loi, selon les formes qu’elle a prescrites.
8. L’article 8 de la Déclaration de
1789 prescrit :
« La
Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et
nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée
antérieurement au délit, et légalement appliquée »
9. L’article 9 de la Déclaration de
1789 prescrit :
« Tout
homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable »
10. Les articles 7, 8 et 9 de la
Déclaration de 1789 posent les principes qui encadrent la « production »
de la loi pénale :
-
non
rétroactivité ;
-
définition
des critères matériels de l’infraction ;
-
présomption
d’innocence.
11. Le Conseil constitutionnel
vient de rappeler dans le cadre d’une Question prioritaire de
constitutionalité, le principe selon lequel il appartient au seul législateur
de définir les critères d’une infraction pénale, Conseil constitutionnel, 3
décembre 2010, Décision N° 2010-73 QPC :
« Considérant,
en premier lieu, que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution
ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de
l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir
les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure
l'arbitraire ; que les dispositions
de la loi du 2 juin 1891 relatives aux sanctions pénales sont suffisamment
précises et, par suite, ne méconnaissent pas ces exigences »
12. Le Conseil constitutionnel
vient encore récemment de rappeler dans le cadre d’une Question prioritaire de
constitutionalité, le principe selon lequel il appartient au seul législateur
de définir les critères d’une infraction pénale, Conseil constitutionnel, 04 mai
2012, Décision QPC N° 2012-240 :
« 3. Considérant que le législateur tient de l'article 34
de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines
qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789, l'obligation de
fixer lui-même le champ
d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes
suffisamment clairs et précis »
13. Le requérant constate,
d’une part que l’articles 29 alinéa 2 de la loi sur la presse ne définit pas
avec précision les critères matériels de l’infraction d’injure publique,
d’autre part que la jurisprudence de la cour de cassation a, par des arrêts de règlement, placé cette infraction sous le régime de
présomption de culpabilité.
14. Réservé.
B) Dispositions législatives
contestées
15. L’article 29 alinéa 2 de la loi du 29
juillet 1881 prescrit :
« Toute
expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne
renferme l'imputation d'aucun fait est
une injure »
16. Le requérant constate que,
l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’infraction
d’injure au regard des concepts « expression outrageante » ;
« terme de mépris » ; « invective ».
16. Qu’est ce que expression
outrageante ? Ce qui sera jugé comme tel par la jurisprudence de la Cour
de cassation, au travers des arrêts de règlement.
17. Qu’est ce qu’un terme de
mépris ? Ce qui sera jugé comme tel par la jurisprudence de la Cour de
cassation, au travers des arrêts de règlement.
18. Qu’est ce qu’une
invective ? Ce qui sera jugé comme tel par la jurisprudence de la Cour de
cassation, au travers des arrêts de règlement.
19. Les concepts
« expression outrageante », « terme de mépris »,
« invective » sont des concepts de nature sociologique et subjectifs
qui varient en fonction des époques, des lieux et des cas d’espèce, il s’agit
donc de critères qui se rattachent au « bien pensant » et surtout, en
fonction de ce qui sera décidé par la Cour de cassation au travers des arrêts de règlement, ayant pour finalité de
« compléter » le régime juridique d’une infraction qui n’a pas été
suffisamment définie par le Législateur.
20. Les concepts
« expression outrageante », « terme de mépris »,
« invective » ne constituent point des critères matériels alors que
la loi pénale doit définir les critères
matériels qui constituent le
fondement de la poursuite pénale.
21. Bref, l’article 29 alinéa
2 de la loi du 29 juillet 1881 ne définie pas avec précision les critères
matériels de l’infraction d’injure, laissant aux officiers du Ministère public
et aux Magistrats du siège, le pouvoir de définir, au cas par cas, et donc de manière rétroactive, les critères matériels de l’infractions
d’injure.
22. En pratique, les critères
de l’infraction d’injure sont donc définis par la jurisprudence de la Cour de
cassation, ce qui n’est pas conforme à nos principes constitutionnels,
car, à l’exception des décisions du
Conseil constitutionnel, la
jurisprudence n’est pas publiée au Journal officiel et donc, ne peut être
employée pour solutionner une affaire, sauf à violer le principe de non
rétroactivité de la loi pénale.
23. La difficulté essentielle
tient dans le fait que les arrêts de règlement qui « précisent » la
définition des critères matériels de cette infraction n’ont jamais été
« voté » par le Parlement et n’ont pas davantage été
« publiés » au Journal officiel, de sorte qu’à chaque fois qu’une
juridiction fait application de l’infraction d’injure publique, cette
juridiction applique avec effet rétroactif un « régime juridique » qui
n’était pas applicable au jour de la commission des faits litigieux.
24. Au surplus, c’est encore
un arrêt de règlement qui a posé le principe que, dans certains cas,
l’infraction d’injure est absorbée par l’infraction de diffamation, Cass.
Crim, 23 juin 2009, Pourvoi N° 08-88016 :
« Attendu
que, d'une part, lorsque les expressions outrageantes ou appréciations
injurieuses sont indivisibles d'une imputation diffamatoire, le délit d'injure
est absorbé par celui de diffamation »
25. Le régime juridique qui
gouverne en partie l’infraction d’injure n’a donc pas été « voté » au
Parlement et, n’a donc pas davantage été publié au Journal officiel.
26. Cette situation n’est pas
conforme aux principes posés par les articles 7, 8 et 9 de la
Déclaration de 1789, qui réservent à
la loi la fixation des critères de
chaque infraction de, manière à permettre au citoyen de distinguer les cas dans
lesquels il commet l’infraction et les cas dans lesquels il ne la commet pas.
27. La loi pénale ne peut
avoir d’effet rétroactif, c’est pourquoi le citoyen ne peut être poursuivi que
sur le fondement d’un régime juridique établit par une loi, préalablement à la
poursuite, loi définissant de manière précise les critères matériels de chaque infraction
et donc son régime juridique. Conseil constitutionnel, 3 décembre 2010,
Décision QPC N° 2010-73 ; Conseil constitutionnel, 04 mai 2012, Décision
QPC N° 2012-240.
28. En l’espèce la difficulté
tient dans le fait que l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 qui
sert de support à la poursuite ne précise nullement les éléments matériels de
l’infraction d’injure et alors encore que, c’est la Cour de cassation qui a
« institué » le principe de présomption de culpabilité, qui gouverne
cette infraction.
29. C’est pourquoi, le
requérant est fondé à poser les présentes QPC, il estime que l’article 29
alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 n’est pas conforme à la Constitution pris
sous l’angle des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789, idem en ce qui
concerne la jurisprudence prise sous le visa de cet article.
+ + + +
30. Le requérant :
-
estime
que l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 qui instaure l’infraction
d’injure publique est incompatible avec les articles 7, 8 et 9 de la
Déclaration de 1789 et ce, compte tenu de l’absence de définition des
éléments matériels constitutifs de cette infraction ;
-
conteste
également la portée jurisprudentielle de l’arrêt prononcé par la Chambre
criminelle de la Cour de cassation le 23 juin 2009, Pourvoi N° 08-88016, qui
opère la répartition du contentieux entre injure et diffamation ;
-
conteste
encore la portée jurisprudentielle de l’arrêt prononcé par la Chambre
criminelle de la Cour de cassation le 10 mai 2006, Pourvoi N° 05-82971, qui
pose un principe de présomption de
culpabilité en matière d’injure et
ce, en méconnaissance des dispositions de l’article 9 de la Déclaration de 1789
qui a fixé le principe inverse, à savoir, le principe de présomption
d’innocence, sans avoir prévu aucune exception.
31. Le Parlement n’a pas confié aux
juridictions de droit commun, ni même à la Cour de cassation, l’appréciation de
la validité constitutionnelle de telle ou telle disposition législative.
32. L'article 23-2 de l'ordonnance
organique du 7
novembre 1958 confère aux juridictions de droit commun, uniquement une
compétence pour transmettre ou non une QPC à la Cour de cassation, en fonction
des trois critères définis par cette ordonnance organique.
QPC portant sur l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29
juillet 1881
1° La disposition
législative est elle en relation directe avec le cas d’espèce. En l’espèce,
l’organe de poursuite agit devant la juridiction pénale sur le fondement de
l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881, que les requérants
considèrent non conforme à la Constitution. Le premier critère est dès lors
validé.
2° L’article 29 alinéa 2
de la loi du 29 juillet 1881 n’a jamais fait l’objet d’un contrôle de
constitutionnalité, car la Cour de cassation s’y est opposée illégalement, Cass. Crim., 31 mai 2010, N° 09-87578. Le deuxième critère est dès
lors validé.
3° La Question prioritaire
de constitutionnalité est particulièrement sérieuse, puisqu’elle repose sur le
principe constitutionnel de légalité des peines et des infractions, dont les
critères matériels doivent être préalablement définis avant toute poursuite et
action pénale. Le requérant demande donc à la cour, de transmettre ladite
Question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation et, de
prononcer le sursis à statuer dans l’attente de la décision du Conseil
constitutionnel.
QPC portant sur la jurisprudence de la Cour de
cassation prise
sous le visa de l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29
juillet 1881
Cass. Crim., 10 mai
2006, Pourvoi n° 05-82971
« Attendu que les
expressions outrageantes, termes de mépris ou invectives sont
réputés de droit prononcés avec une intention coupable et que seule l'excuse de provocation est de
nature à leur ôter leur caractère punissable »
1° Cette jurisprudence
constitue un arrêt de règlement
manifestement illégal, qui instaure
un principe de présomption de culpabilité automatique en matière d’injure
publique. Cette jurisprudence est donc en relation directe avec la prévention,
car les parties civiles agissent devant la juridiction pénale sur le fondement
de l’injure publique. Il sera rappelé que le requérant a le droit de se
prévaloir de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui lui donne la
possibilité, dans le cadre d’une QPC, de contester une jurisprudence de la Cour
de cassation, ce qui est le cas en l’espèce. Conseil constitutionnel, 4 février 2011 - Décision N° 2010-96
QPC ; Conseil constitutionnel, 6 mai 2011 - Décision N° 2011-127 QPC. Le premier critère est dès
lors validé.
2° La portée
jurisprudentielle de cet arrêt n’a jamais fait l’objet d’un contrôle de
constitutionnalité. Le deuxième critère est dès lors validé.
3° La Question prioritaire
de constitutionnalité est particulièrement sérieuse puisque cette QPC s’articule
autour du principe de présomption d’innocence (Article 9 de la Déclaration de
1789) alors que la jurisprudence contestée édicte une présomption de culpabilité, régime juridique « institué » par
la Chambre criminelle de la Cour de cassation, mais qui régime n’a jamais été
voté par le Parlement et, encore moins été publié au Journal officiel. La
Question prioritaire de constitutionnalité est encore particulièrement sérieuse
puisque cette QPC articule le principe de non rétroactivité de la loi pénale
(Article 8 de la Déclaration de 1789), alors que la jurisprudence contestée
édicte un régime juridique dérogatoire à l’article 9 de la Déclaration de
1789, régime juridique non voté par
le Parlement et non publié au Journal officiel, de sorte qu’au travers la jurisprudence
contestée, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a
« institué » un régime juridique spécial, en matière pénale, qui n’a
jamais été ni voté par le Parlement ni publié au Journal officiel, de sorte que
le Tribunal correctionnel, en faisant application de ce régime juridique « Attendu par ailleurs que l’intention
de nuire est présumée en matière d’injure », a fait application
nécessairement avec effet rétroactif, d’un régime juridique qui n’a pas encore été voté par le
Parlement. Le requérant dénonce le fait que le Tribunal correctionnel a jugé
sur le fondement d’une infraction dont une part importante du régime juridique
est défini par la chambre criminelle
de la Cour de cassation, régime
juridique non encore voté par le Parlement et donc, non publié au Journal
officiel. Il s’agit d’un cas d’application avec effet rétroactif en matière
pénale. Le régime juridique de l’infraction d’injure publique est donc en
partie gouverné par des « règles » qui n’ont jamais été votées au
Parlement et, qui n’ont donc jamais été publiées au Journal officiel, avec
comme corolaire, le fait qu’à chaque fois qu’un juge siège en matière d’injure
publique ou de diffamation, il applique, nécessairement avec effet rétroactif,
un régime juridique non publié au journal officiel. Le troisième critère est
dès lors parfaitement validé.
PAR CES MOTIFS
Vu la Constitution de 1958 ; Vu les articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 ; vu les articles 23-1, 23-2 et 23-3 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 ; vu l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881.
Vu
l’arrêt prononcé le 31 mai 2010 par la Cour de cassation, Cass. Crim., 31 mai 2010, N° 09-87578 :
« Et
attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce
qu'elle tend, en réalité, non à contester la constitutionnalité des
dispositions qu'elle vise, mais
l'interprétation qu'en a donnée la Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la diffamation »
Vu la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’impose aux magistrats de la
Cour d’appel en vertu de l’article 62 de la Constitution, Conseil constitutionnel, 4 février 2011 - Décision N° 2010-96
QPC ; Conseil constitutionnel, 6 mai 2011 - Décision QPC N° 2011-127 :
« Considérant
qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a
le droit de contester la
constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation
jurisprudentielle constante confère
à la disposition législative contestée »
A
TITRE LIMINAIRE
33. Les
requérants demandent à la Cour de :
-
CONSTATER qu’ils sont
poursuivis devant la juridiction pénale pour injure publique sur le fondement
de l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 ;
-
CONSTATER que par une jurisprudence constante, en matière d’injure, la Cour de
cassation a posé le principe selon lequel cette infraction est gouvernée par le
principe de présomption de culpabilité et ce, en méconnaissance de l’article 9
de la Déclaration de 1789 qui a posé le principe de présomption d’innocence, sans
aucune exception possible ;
-
CONSTATER qu’ils
contestent la conformité de l’article 29 aliéna 2 de la loi du 29 juillet 1881
en lui même et tel qu’interprété pas la jurisprudence au regard des articles 7,
8 et 9 de la Déclaration des droits de 1789 ;
-
CONSTATER que ces
questions prioritaires de constitutionnalité sont des questions préjudicielles
très sérieuses qui conditionnent l’examen du principal ;
- DIRE ET JUGER particulièrement sérieuses ces questions
prioritaires de constitutionnalité ;
- PRONONCER le sursis à statuer sur la
cause ;
- POSER les questions suivantes au
Conseil constitutionnel :
« L’article 29 alinéa
2 de la loi du 29 juillet 1881 en lui-même, est-il oui ou non conforme aux
articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de 1789 sur le plan de la
définition des critères matériels de l’infraction »
« L’arrêt Cass. Crim., 10 mai 2006, Pourvoi n°
05-82971 pris en application de l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881
est-il oui ou non conforme aux articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 en ce
que cette jurisprudence instaure un principe de présomption de
culpabilité qui n’a pas été voté par le Parlement »
DEVANT
LA COUR DE
CASSATION
34. Le requérant demande à la Cour de cassation de
transmettre les deux QPC au Conseil constitutionnel ;
SUR
LA DISCUSSION CONSTITUTIONNELLE
35. Le
requérant demande au Conseil constitutionnel de :
- DECLARER
DIRE ET JUGER que
l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881 pris en lui-même n’est pas conforme aux articles 7
et 8 de la Déclaration de 1789 sur le plan de la définition des critères
matériels de l’infraction ;
- DECLARER DIRE ET JUGER que l’arrêt Cass. Crim.,
10 mai 2006, Pourvoi N°
05-82971 pris en application de l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet
1881 n’est pas conforme aux articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 en ce que
cette jurisprudence s’analyse en un arrêt de règlement qui instaure un principe
de présomption de culpabilité non prévu par le Parlement.
Sous toute réserve
François DANGLEHANT
Jacques VERDIER
Question prioritaire
de constitutionnalité N° 2
(Article 33 alinéa
3 : Sera punie de six mois
d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende l'injure commise, dans les
conditions prévues à l'alinéa précédent
……..)
Pour :
Monsieur Dieudonné MBALA MBALA, né le 11
février 1966 à FONTENAY AUX ROSES (92), de nationalité française, exerçant la
fonction d’humoriste chanteur, domicilié au 1 route des volaillers 28410 SAINT
LUBIN DE LA HAYE ;
Ayant pour Avocat sur la QPC Me François
DANGLEHANT, Avocat au Barreau de BOBIGNY, 1 rue des victimes du franquisme
93200 SAINT DENIS ; Tel - Fax 01 58 34 58 80 ; Toque PB 246 et,
Me Jacques VERDIER , Avocat au barreau d’AURILLAC, 6 rue Jules FERRY, 15000
AURILLAC ; Tel 04 71 43 15 00 ; Fax 04 71 48 98 91 ;
Ayant pour Avocat sur le principal Me Jacques
VERDIER, Avocat au barreau d’AURILLAC, 6 rue Jules FERRY, 15000 AURILLAC ;
Tel 04 71 43 15 00 ; Fax 04 71 48 98 91 ;
Partie civile :
- LIGUE
CONTRE LE RACISME ET L’ANTISEMITISME, 42 rue du Louvre 75002 PARIS (non
comparante) ;
- SOS
RACISME ET TOUCHE PAS A MON POTE, 5 rue de Flandre, 75019 PARIS (non
comparant) ; Ayant pour Avocat Me GHNASSIA et Me SCEMAMA Avocats au
Barreau de PARIS ;
-
ASSOCIATION DES ETUDIANTS JUIFS DE France (non comparante) 12 avenue Pirre
premier de Serbie 75016 PARIS ; Ayant pour Avocat Me Stephane LILTI, Avocat au
Barreau de PARIS ;
-
ASSOCIATION J’ACCUSE 12 avenue Pirre premier de Serbie 75016 PARIS (non
comparante) ; Ayant pour Avocat Me Stephane LILTI, Avocat au Barreau de
PARIS ;
- DEFENSE DES
CITOYENS 3 allée de la Puisaye 92160 ANTONY (non comparante) ;
- HALTE A LA
CENSURE, A LA CORRUPTION, AU DESPOTISME, A L’ARBITRAIRE, 12 rue Oudot 94000
CRETEIL, comparante en la personne de Joël BOUARD ;
- CITOYEN ANTI
MAFIA JUDICIAIRE, comparante en la personne de Gérard PRELORENZO ;
- INSTITUT DE
RECHERCHE CONTEMPORAINE D’HISTOIRE DU 20 EME SIECLE, 12 rue Oudot, 94000
CRETEIL, comparante en la personne de Joël BOUARD ;
- Monsieur Gérard PRELORENZO, Chez CAMJ,
12 rue Oudot, 94000 CRETEIL (comparant) ;
- Monsieur
Philippe ABITBOL, Maison central, 17 rue de l’Abbaye 78000 POISSY (non
comparant) ;
- Monsieur
Germain GAIFFE, Maison centrale , 17 rue de l’Abbaye 78000 POISSY (non
comparant) ;
- Monsieur
Alfredo STRANIERI, Maison centrale , 17 rue de l’Abbaye 78000 POISSY (non
comparant) ;
En présence de :
Monsieur le
Procureur général
Plaise à la Cour
d’appel - Plaise à la cour de cassation
I Observations préliminaires
01. La procédure permettant à un justiciable de contester la validité
d’une dispositions législative au regard des principes à valeur
constitutionnelle (QPC) n’a pas modifié la
jurisprudence antérieure de la Cour de cassation, jurisprudence rappelant que les juridictions
du fond ne peuvent en aucun cas apprécier la validité d’une loi au regard des
principes posés par la Déclaration de 1789, Cass 1ère Civ., 1er octobre 1986, N°
84-17090 :
« Mais attendu, d'abord, que les tribunaux
(juridiction de droit commun) doivent appliquer la loi sans pouvoir en écarter
certaines dispositions en raison de leur prétendue contrariété à des principes
de caractère constitutionnel et en particulier aux dispositions de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 auxquelles le
préambule de la constitution du 4 octobre 1958 s'est borné à renvoyer »
II Observations
liminaires
02. Le Conseil
constitutionnel vient de déclarer l’une des dispositions de la loi du 29
juillet 1881 non conforme à la Constitution, Conseil constitutionnel, 20 mai
2011, Décision N° 2011-131 QPC :
« 7. Considérant que, par
suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, le cinquième alinéa de
l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 susvisée doit être déclaré contraire
à la Constitution ; que cette déclaration d'inconstitutionnalité est applicable
à toutes les imputations diffamatoires non jugées définitivement au jour de la
publication de la présente décision,
D É C I D
E :
Article 1er.- Le cinquième alinéa de l'article 35 de la loi du 29 juillet
1881 sur la liberté de la presse est déclaré contraire à la Constitution »
03. De la même manière,
les requérants estiment que l’article 29 alinéa 2 de la loi du 29 juillet 1881
n’est pas conforme à nos principes constitutionnels.
04. Le requérant pense
utile de rappeler que dans plusieurs grands pays démocratiques, il n’existe
aucune loi pénale visant à restreindre la liberté d’expression.
05. Aucune loi pénale
sur la diffamation ou l’injure par exemple aux ETATS UNIS.
06. S’il n’existe pas de
loi pénale en matière de diffamation ou d’injure dans plusieurs grands pays
démocratiques, cette situation est liée au fait qu’il est impossible de
définir les critères matériels de telles infractions.
07. En FRANCE, les
infractions constituées par la loi sur la presse sont définies par des critères de nature sociologique
et, gouverné par le principe de présomption de culpabilité.
08. Réservé.
III Procédure
applicable en matière de QPC
09. Il convient de distinguer
l’ordonnance organique du 7 novembre 1958 (A), des dispositions du Code de
procédure pénale (B).
A) Ordonnance organique
du 7 novembre
1958
09-1. L'article 23-1 de
l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 prescrit :
« Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou
de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative
porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine
d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut
être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé
d'office.
Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation,
lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est
communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son
avis »
09-2. L'article 23-2 de
l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 prescrit :
" La juridiction statue sans délai par une
décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de
constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé
à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
1° La disposition
contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement
des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été
déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une
décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas
dépourvue de caractère sérieux.
En tout état de cause, la juridiction doit,
lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition
législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution
et, d'autre part, aux engagements
internationaux de la France, se
prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité
au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation.
La décision de
transmettre la question est adressée au Conseil d'Etat ou à la Cour de
cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les
conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de
transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours
contre la décision réglant tout ou partie du litige "
B) Code de procédure
pénale
09-3.
L’article R 49-21 du Code de procédure pénale prescrit :
« Conformément aux dispositions de
l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi
organique sur le Conseil constitutionnel, la partie qui soutient, à l’appui
d’une demande déposée en application des règles du présent code devant une
juridiction d’instruction, de jugement, d’application des peines ou de la rétention
de sûreté, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés
garantis par la Constitution doit, à peine d’irrecevabilité, présenter ce moyen
dans un écrit distinct et motivé.
La juridiction doit relever d’office
l’irrecevabilité du moyen qui n’est pas présenté dans un écrit distinct et
motivé »
09-4.
L’article R 49-25 du Code de procédure pénale prescrit :
« La juridiction statue sans délai, selon
les règles de procédure qui lui sont applicables, sur la
transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, après que le ministère public et les parties,
entendues ou appelées, ont présenté leurs observations sur la question
prioritaire de constitutionnalité.
La juridiction peut toutefois statuer sans
recueillir les observations du ministère public et des parties s’il apparaît de
façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu’il n’y a pas lieu de transmettre
la question prioritaire de constitutionnalité.
Dès lors qu’elles sont présentées par écrit, les
observations du ministère public et des autres parties doivent figurer dans un
écrit distinct et motivé. A défaut, elles ne peuvent être jointes à la décision
transmettant la question à la Cour de cassation »
09-5.
L’article R 49-28 du Code de procédure pénale prescrit :
« Le greffe avise les parties et le ministère
public par tout moyen et sans délai de
la décision statuant sur la transmission de la question prioritaire de
constitutionnalité à la Cour de cassation.
En cas de décision de transmission, l’avis aux
parties précise que celle-ci n’est susceptible d’aucun recours et que les
parties qui entendent présenter des observations devant la Cour de cassation
doivent se conformer aux dispositions de l’article R.* 49-30, qui est reproduit
dans l’avis, ainsi que le premier alinéa de l’article R.* 49-32. L’avis est
adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception aux parties qui
n’ont pas comparu.
En cas de
décision de refus de transmission, l’avis aux parties précise que celle-ci ne
peut être contestée qu’à l’occasion d’un recours formé contre une décision
ayant statué sur la demande au cours de la procédure »
+ + + +
09-6. La
Question prioritaire de constitutionnalité constitue donc une « Question
préjudicielle » et non une « Question préalable ».
09-7. Une
« Question préalable » constitue
une question première que
la juridiction en charge du principal est compétente pour trancher.
09-8. Une
« Question préjudicielle » constitue
une question première que
la juridiction en charge du principal n’est pas compétente pour trancher.
09-9. En
matière de Question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation
n’est pas compétant pour trancher la discussion portant sur la validité
constitutionnelle de telle ou telle disposition législative. Cass 1ère Civ., 1er
octobre 1986, N° 84-17090
09-10.
Compte tenu de la nature de la QPC posée, les requérants demandent à la Cour de
transmettre cette QPC à la Cour de cassation, qui, elle-même devra transmettre
au Conseil constitutionnel pour vérification de la conformité de l’infraction
d’injure publique au regard des principes constitutionnels visés. Cass 1ère Civ., 1er
octobre 1986, N° 84-17090.
IV Champ d’application de la procédure dite
« QPC »
09-11. L’article 62 de la Constitution
prescrit :
« Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont
susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à
toutes les autorités administratives et juridictionnelles »
09-12. L’article 23-1 de l’ordonnance
organique pose le principe qu’un justiciable peut contester une disposition législative au regard de la Constitution.
09-13. Par une jurisprudence
performative, le Conseil constitutionnel a étendu le champ d’application de l’article 23-1 de l’ordonnance organique,
désormais, un justiciable peut :
-
contester
la validité d’une disposition législative ;
-
contester
la validité de l’interprétation jurisprudentielle d’une disposition législative
par la Cour de cassation ou par le Conseil d’Etat.
Conseil
constitutionnel, 4 février 2011 -
Décision N° 2010-96 QPC
« 2.
Considérant que le requérant fait valoir que, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation,
la commission départementale de
vérification des titres ne peut valider que les titres de propriété délivrés à
l'origine par l'État ; qu'il soutient que la disposition ainsi interprétée est
contraire au droit de propriété, au principe d'égalité et à la sécurité
juridique ;
3.
Considérant qu'il ressort des arrêts de la Cour de cassation du 2 février 1965,
confirmés depuis lors, que la validité d'un titre de propriété portant sur un
terrain situé dans la zone des cinquante pas géométriques est subordonnée à la
condition que ce titre ait été délivré par l'État, qui seul a pu procéder à la
cession à un tiers d'un terrain en faisant partie ;
4. Considérant qu'en posant
une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de
contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation
jurisprudentielle constante confère à cette disposition ;
Conseil
constitutionnel, 6
mai 2011 - Décision N° 2011-127 QPC
« 4.
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation
sur ces dispositions que sont seules applicables à tous les bénéficiaires des
prestations du régime social des gens de mer les dispositions de leur régime
spécial, lequel ne prévoit aucun recours contre l'armateur en raison de sa
faute inexcusable ;
5. Considérant qu'en posant une question
prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la
constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation
jurisprudentielle constante confère à la disposition législative
contestée »
+ + + +
09-14. Au travers cette QPC, le requérant
entent contester :
-
la
validité de l’article 33 aliéna 3 de la loi du 29 juillet 1881 ;
-
la
portée effective de la jurisprudence de la Cour de cassation concernant
l’application de l’article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881.
09-15. Par ces importantes décisions des
4 février et 6 mai 2011, le Conseil constitutionnel a répondu à la Cour de
cassation, qui avait refusé de lui transmettre une QPC portant sur l’article 29
la loi du 29 juillet 1881 au motif que, le justiciable contestait non pas une
disposition législative, mais l’interprétation
qu’en avait donné la Cour de cassation,
au regard du caractère spécifique de la diffamation
09-16. En effet, par un arrêt fort
contestable prononcé le 31 mai 2010, la Cour de cassation a refusé de
transmettre une QPC portant sur l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 au
motif que le justiciable contestait en réalité, une jurisprudence de la Cour de
cassation, Cass. Crim., 31 mai 2010, N° 09-87578
« Et attendu que la question posée ne présente pas un
caractère sérieux en ce qu'elle tend, en réalité, non à contester la
constitutionnalité des dispositions qu'elle vise, mais l'interprétation qu'en a donnée la
Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la diffamation » (Présomption de culpabilité)
+ + + +
09-17. Deux observations :
- Le justiciable a effectivement contesté
l’interprétation de la Cour de cassation concernant le régime juridique de
l’infraction ;
- La Cour de cassation raisonne en terme
de « caractère spécifique de la diffamation », qu’est-ce à dire ? Il s’agit d’une
infraction gouvernée par le principe de présomption
de culpabilité, voilà ce qui est spécifique en matière de diffamation et
d’injure publique, plus généralement quant à la loi du 29 juillet 1881 et ce,
en fonction d’un régime juridique qui n’a jamais été voté au Parlement et, qui
n’a donc jamais été publié au Journal officiel.
09-18. En effet, le principe
de présomption de culpabilité qui gouverne la loi sur la presse a été posé par
un arrêt prononcé par la Chambre criminelle de la Cour de cassation en 1883, Cass.
Crim. 30 juin 1883 : DP 1887, I, p 341 :
« Qu’en
matière de diffamation, l’intention de nuire est présumée … »
09-19. Le principe de présomption de
culpabilité gouverne également l’infraction d’injure publique, Cass.
Crim., 10 mai 2006, Pourvoi n° 05-82971 :
« Attendu
que les expressions outrageantes, termes de mépris ou invectives sont
réputés de droit prononcés avec une intention coupable et que seule l'excuse de provocation est de
nature à leur ôter leur caractère punissable »
09-20. Les infractions dites « de
presse », relèvent donc d’une justice pénale spécifique, car ces
infractions sont gouvernées par le principe
de présomption de culpabilité,
régime juridique « voté
illégalement » par la Chambre
criminelle de la Cour de cassation, régime juridique non voté par le Parlement,
non publié au Journal officiel et, dont les Magistrats font donc une
application avec effet rétroactif, comme pour la loi du 14 août 1941, loi qui
avait créé les très regrettables « Sections spéciales ».
09-21. Le Conseil constitutionnel, par
une jurisprudence constante, qui s’impose à la Cour de cassation, sur le
fondement de l’article 62 de la Constitution, en réponse aux décisions prises
par la Cour de cassation sur la loi du 29 juillet 1881, a décidé, que les
justiciables sont en droit de
contester la constitutionnalité de
la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à
la disposition législative contestée, Conseil constitutionnel, 4 février 2011 - Décision N° 2010-96
QPC ; Conseil constitutionnel, 6 mai 2011 - Décision N° 2011-127 QPC :
« Considérant
qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a
le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle
constante confère à la disposition
législative contestée »
09-22. Le Conseil constitutionnel a posé
un principe très clair qui s’impose à tous les Magistrats, les justiciables ont
le droit, dans le cadre d’une QPC, de
contester une jurisprudence de la Cour de cassation, jurisprudence qui porterait atteinte à un
principe à valeur constitutionnelle.
09-23. C’est précisément le cas du
requérant, il conteste la jurisprudence de la Cour de cassation qui a placé
l’article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881, sous le régime juridique de
présomption de culpabilité et ce, en violation de l’article 9 de la DHDC de
1789.
09-24. Le Conseil constitutionnel est
l’unique formation de jugement pouvant se prononcer sur cette question, dès
lors, la transmission d’une QPC de cette nature
est obligatoire, sauf, à priver
le demandeur de la possibilité de contester une jurisprudence portant atteinte
à un principe constitutionnel. Conseil constitutionnel, 4 février 2011 – Décision N° 2010-96
QPC ; Conseil constitutionnel, 6 mai 2011 - Décision N° 2011-127 QPC.
09-25. Du fait que le requérant conteste
la validité de la loi, mais également la portée jurisprudentielle effectuée par
la Cour de cassation quant aux dispositions législatives contestées et, que le
Conseil constitutionnel constitue l’unique juridiction pouvant trancher cette
discussion, la Cour de cassation ne pourra refuser la transmission de cette
QPC, sauf à priver le requérant de ses droits.
09-26. C’est pourquoi, le requérant
demande à la Cour, après avoir constaté sa propre incompétence pour trancher la
discussion portant sur la validité constitutionnelle de l’article 33 alinéa 3
de la loi sur la presse, au regard des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de
1789, de transmettre ces QPC à la Cour de cassation.
V Faits
1. Le 27 novembre 2012, le requérant a
été condamné par la 17ème Chambre du Tribunal correctionnel de
PARIS, sur le fondement de l’article 33 aliéna 3 de la loi du 29 juillet 1881
qui est rédigé de la même manière que l’article 24 aliéna 8 (Pièce n° 1) :
2. Les requérants ont fait appel de cette
décision.
3. C’est dans ce cadre que le requérant
forme la QPC N° 2.
VI Discussion sur la recevabilité de la QPC
4. En l’espèce, le requérant a été cité devant
le Tribunal correctionnel sur le fondement de l’article 33 alinéa 3 de la loi
de 29 juillet 1881 qui est rédigé de la même manière que l’article 24 aliéna 8.
5. Le requérant estime que l’article 33
alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 n’est pas conforme à la Constitution pris
sous l’angle des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de 1789.
6. Il convient dès lors de rappeler les
principes constitutionnels en cause (A) et les dispositions législatives
contestées (B).
A) Principes constitutionnels en cause
7. L’article 7 de la Déclaration de
1789 prescrit :
« Nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans
les cas déterminés par la Loi, selon les formes qu’elle a prescrites.
8. L’article 8 de la Déclaration de
1789 prescrit :
« La
Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et
nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée
antérieurement au délit, et légalement appliquée »
9. L’article 9 de la Déclaration de
1789 prescrit :
« Tout
homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable »
+ + + +
10. Les articles 7, 8 et 9 de la
Déclaration de 1789 posent les principes qui encadrent la
« production » de la loi pénale :
-
non
rétroactivité ;
-
définition
des critères matériels de l’infraction ;
-
présomption
d’innocence.
11. Le Conseil constitutionnel
vient de rappeler dans le cadre d’une Question prioritaire de
constitutionalité, le principe selon lequel il appartient au seul législateur
de définir les critères d’une infraction pénale, Conseil constitutionnel, 3
décembre 2010, Décision N° 2010-73 QPC :
« Considérant,
en premier lieu, que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution
ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de
l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir
les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure
l'arbitraire ; que les dispositions
de la loi du 2 juin 1891 relatives aux sanctions pénales sont suffisamment
précises et, par suite, ne méconnaissent pas ces exigences »
12. Le Conseil constitutionnel
vient encore récemment de rappeler dans le cadre d’une Question prioritaire de
constitutionalité, le principe selon lequel il appartient au seul législateur
de définir les critères d’une infraction pénale, Conseil constitutionnel, 04 mai
2012, Décision QPC N° 2012-240 :
« 3. Considérant que le législateur tient de l'article 34
de la Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines
qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789, l'obligation de
fixer lui-même le champ
d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes
suffisamment clairs et précis »
+ + + +
13. Le requérant constate, d’une part que
l’articles 33 alinéa 3 de la loi sur la presse ne définit pas avec précision
les critères matériels de l’infraction de diffamation, d’autre part que la Cour
de cassation , par un arrêt de
règlement, s’est opposé à la
transmission au Conseil constitutionnel, d’une QPC identique portant sur
l’article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881.
14. Réservé.
B) Dispositions
législatives contestées
15. L’article 33 alinéa 3 de la loi du 29
juillet 1881 prescrit :
« Sera
punie de six mois d'emprisonnement et de 22 500 euros d'amende l'injure
commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne
ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou
de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée »
16. Le requérant constate que,
l’article 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’infraction de
diffamation au regard des concepts « provoquer
à la discrimination, à la haine ou à la violence », « d'une personne
ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou
de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion
déterminée ».
17. Qu’est ce que provoquer à
la discrimination ? Ce qui sera jugé à postériori comme tel par la
jurisprudence de la Cour de cassation, au travers des arrêts de règlement.
18. Qu’est ce que provoquer à
la haine ? Ce qui sera jugé à postériori comme tel par la jurisprudence de
la Cour de cassation, au travers des arrêts de règlement.
19. Qu’est ce que provoquer à
la violence ? Ce qui sera jugé à postériori comme tel par la jurisprudence
de la Cour de cassation, au travers des arrêts de règlement.
20. Qu’est ce qu’une race, un
concept biologique, ainsi, sur la terre cohabitent 3 races de souries (3 races),
qui sont incompatibles entre elle, d’où, des races différentes.
21. Qu’est ce qu’une
religion, enter autre, un concept religieux, sur le fondement duquel, de très
nombreuses condamnations à mort furent prononcées, en des temps anciens
(Giordano BRUNO etc.), par des juridictions ecclésiastiques, qui ne
connaissaient point la présomption d’innocence, la définition des critères
matériels des infractions pour éviter l’arbitraire, la non rétroactivité des
lois pénales etc.
22. Le requérants estime que
les concepts susvisés, sont de nature sociologique et subjectif qui varient en
fonction des époques, des lieux et des cas d’espèce, il s’agit donc de critères
qui se rattachent au « bien pensant » et surtout, en fonction de ce
qui sera décidé par la Cour de cassation au travers des arrêts de règlement, ayant pour finalité de
« compléter » le régime juridique d’une infraction qui n’a pas été
suffisamment définie par le Législateur.
23. Les concepts susvisés, ne
constituent point des critères matériels alors que la loi pénale doit définir les critères matériels qui constituent le fondement de la poursuite
pénale.
24. L’article 33 alinéa 3 de
la loi du 29 juillet 1881 ne définit pas avec précision les critères matériels
de l’infraction dont il s’agit, laissant aux officiers du Ministère public et
aux Magistrats du siège, le pouvoir de définir, au cas par cas, et donc de manière rétroactive, les critères matériels de l’infractions dont
il s’agit.
25. En pratique, les critères
de l’infraction dont il s’agit sont donc définis par la jurisprudence de la
Cour de cassation, ce qui n’est pas conforme à nos principes constitutionnels,
car, à l’exception des décisions du
Conseil constitutionnel, la jurisprudence
n’est pas publiée au Journal officiel et ne peut donc être employée pour
solutionner une affaire, sauf à violer le principe de non rétroactivité de la
loi pénale.
26. La difficulté essentielle
tient dans le fait que les arrêts de
règlement qui
« précisent » la définition des critères matériels de cette infraction
n’ont jamais été « instaurés » par le Parlement et n’ont pas
davantage été « publiés » au Journal officiel, de sorte qu’à chaque
fois qu’une juridiction fait application de l’infraction dont il s’agit, cette
juridiction applique avec effet rétroactif un « régime juridique »
qui n’était pas applicable au jour de la commission des faits litigieux.
27. Le régime juridique qui
gouverne en partie l’infraction dont il s’agit n’a donc pas été « institué
» par le Parlement et, n’a donc pas davantage été publié au Journal officiel.
28. Cette situation n’est pas
conforme aux principes posés par les articles 7, 8 et 9 de la
Déclaration de 1789, qui réservent à
la loi la fixation des critères de
chaque infraction de, manière à permettre au citoyen de distinguer les cas dans
lesquels il commet l’infraction et, les cas dans lesquels il ne la commet pas.
29. La loi pénale ne peut
avoir d’effet rétroactif, c’est pourquoi le citoyen ne peut être poursuivi que
sur le fondement d’un régime juridique établit par une loi, préalablement à la
poursuite, loi définissant de manière précise les critères matériels de chaque infraction
et donc son régime juridique. Conseil constitutionnel, 3 décembre 2010,
Décision QPC N° 2010-73 ; Conseil constitutionnel, 04 mai 2012, Décision
QPC N° 2012-240.
30. En l’espèce la difficulté
tient dans le fait que l’article 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881, qui
sert de support à la poursuite ne précise nullement les éléments matériels de
l’infraction susvisée, infraction placé sous le régime de la présomption de
culpabilité.
31. C’est pourquoi, le
requérant est fondé à poser les présentes QPC, il estime que l’article 33
alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 n’est pas conforme à la Constitution pris
sous l’angle des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789, idem en ce qui
concerne la jurisprudence prise sous le visa de cet article.
+ + + +
32. Le requérant :
-
estime
que l’article 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 qui instaure l’infraction
susvisée est incompatible avec les articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de
1789 et ce, compte tenu de l’absence de définition précise des éléments
matériels constitutifs de cette infraction ;
-
conteste
également la portée jurisprudentielle de l’arrêt prononcé par la Chambre
criminelle de la Cour de cassation le 16 avril 2013 N° 13-90008 ;
33. Le Parlement n’a pas confié aux
juridictions de droit commun, ni encore à la Cour de cassation, l’appréciation
de la validité constitutionnelle de telle ou telle disposition législative,
comme ce fut le cas au travers l’arrêt prononcé le 16 avril 2013 par la Chambre
criminelle de la Cour de cassation.
34. L'article 23-2 de l'ordonnance
organique du 7
novembre 1958 confère aux juridictions de droit commun, uniquement une
compétence pour transmettre ou non une QPC à la Cour de cassation, en fonction
des trois critères définis par cette ordonnance organique.
+ + + +
QPC portant sur l’article 33 alinéa 3 de la loi du 29
juillet 1881
1° La disposition
législative est elle en relation directe avec le cas d’espèce. En l’espèce, l’organe
de poursuite a agit devant la juridiction pénale sur le fondement de l’article
33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881, que les requérants considèrent non
conforme à la Constitution, du reste, le Tribunal correctionnel de PARIS, par
un jugement du 27 février 2013 a reconnu la difficulté au sujet de l’article 24
alinéa 8 qui comporte la même définition. Le premier critère est dès lors
validé.
2° L’article 33 alinéa 3
de la loi du 29 juillet 1881 n’a jamais fait l’objet d’un contrôle de
constitutionnalité, car la Cour de cassation s’y est opposée sous une
motivation qui est contestée, Cass.
Crim., 27 février 2013, N° 13-90008. Le deuxième critère est
dès lors validé.
3° La Question prioritaire
de constitutionnalité est particulièrement sérieuse, puisqu’elle repose sur le
principe constitutionnel de légalité des peines et des infractions, dont les
critères matériels doivent être préalablement définis par le Législateur, avant
toute poursuite et action pénale, du reste, le Tribunal correctionnel de PARIS,
par un jugement du 27 février 2013 a reconnu la
difficulté. Le requérant demande donc à la cour, de constater que la
Question prioritaire de constitutionnalité est particulièrement sérieuse, de la
transmettre à la Cour de cassation et, de prononcer le sursis à statuer dans
l’attente de la décision du Conseil constitutionnel.
QPC portant sur la jurisprudence de la Cour de
cassation prise
sous le visa de l’article 24 alinéa 8 de la loi du 29
juillet 1881
Cass. Crim., 16 avril
2013, N° 13-90008
« Attendu
que la disposition contestée est applicable à la procédure, et n'a pas déjà été
déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision
du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu que la question posée, ne portant
pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil
constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est
pas nouvelle ;
Et attendu que cette question ne présente pas à l'évidence un
caractère sérieux dès lors que, d'une part, les termes de l'article 24, alinéa
8 de la loi du 29 juillet 1881, qui
laissent au juge le soin de qualifier des comportements que le législateur ne
peut énumérer a priori de façon
exhaustive, sont suffisamment clairs et précis pour que l'interprétation de ce
texte, qui entre dans l'office du juge pénal, puisse se faire sans risque
d'arbitraire, et que, d'autre part, l'atteinte portée à la liberté d'expression
par une telle incrimination apparaît nécessaire, adaptée et proportionnée à
l'objectif de lutte contre le racisme et de protection de l'ordre public
poursuivi par le législateur ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer
la question au Conseil constitutionnel »
Le requérant constate que l’article 33 alinéa 8
comporte la même rédaction que l’article 33 aliéna 3.
Le requérant estime que cette décision repose sur
des erreurs de droit, dans la mesure où :
- la Cour de cassation, a statué en lieu et place du
Conseil constitutionnel ;
- la Cour de cassation a reconnu que le Législateur
n’avait pas définis les comportements interdits avec suffisamment de
précision et charge les juges du fond de compléter la loi, au travers une
« interprétation », alors que la matière pénale est gouvernée par le
principe de l’interprétation stricte ;
- la Cour de cassation a décidé , que les juges du
fond pourront qualifier les faits au regard de critères définis par
eux-mêmes, après interprétation ;
- l’autorité de poursuite ne manquera pas d’exciper de
cette jurisprudence, en raisonnant par analogie, pour demander le rejet de la présente
QPC portant sur l’article 33 alinéa 3, alors même que le régime juridique
instauré par cette décision n’a pas été instauré par le Parlement et, n’a pas été
publié au Journal officiel, avec comme conséquence une application avec effet
rétroactif d’un régime juridique en matière pénale, situation qui caractérise
une justice pénale particulière ;
- alors encore que cette décision soulève une
difficulté, car, le Tribunal correctionnel, par un jugement du 27 février 2013
avait estimé la QPC sérieuse, dès lors, va perdurer dans l’ordonnancement
juridique, 2 décisions en sens
contraire, le jugement du 27 février
2013 et l’arrêt du 26 avril 2013, qui n’a pas annulé la décision du Tribunal en
sens contraire.
+ + + +
1° Cette jurisprudence
constitue un arrêt de règlement
manifestement illégal, qui confère
aux juges du fond, en méconnaissance de l’article 34 de la Constitution, en
violation de la séparation des pouvoirs, en violation des article 7 et 8 de la
Déclaration de 1789, une compétence pour ajouter à la loi, pour ensuite qualifier
les faits. Cette jurisprudence est en relation directe avec la prévention, car
l’autorité de poursuite agit devant la juridiction pénale sur le fondement de l’article
33 aliéna 3 qui est identique dans sa rédaction, à l’article 24 alinéa 8. Il
sera rappelé que le requérant a le droit de se prévaloir de la jurisprudence du
Conseil constitutionnel qui lui confère la possibilité, dans le cadre d’une
QPC, de contester une jurisprudence de la Cour de cassation, ce qui est le cas
en l’espèce. Conseil
constitutionnel, 4 février 2011 -
Décision N° 2010-96 QPC ; Conseil constitutionnel, 6 mai 2011 - Décision N° 2011-127 QPC. Le premier critère est dès
lors validé.
2° La portée
jurisprudentielle de cet arrêt n’a jamais fait l’objet d’un contrôle de
constitutionnalité, Cass crim, 26
avril 2013, N° 13-90008. Le deuxième critère est dès lors validé.
3° La Question prioritaire
de constitutionnalité est particulièrement sérieuse car :
- par un jugement du 27
février 2013, qui n’a jamais fait
l’objet d’une annulation, le
Tribunal correctionnel de PARIS l’a estimé sérieuse en ce qui concerne
l’article 24 alinéa 8 qui comporte la même définition ;
- la Cour de cassation, a
statué en lieu et place du Conseil constitutionnel et encore, a violé l’article
34 de la Constitution qui réserve au seul législateur la définition des
infractions, alors encore que la Cour de cassation, dans cette décision
contestée, soutient que, les juges du fond, pourront, sous la forme
d’interprétation, ajouter à la loi
les critères matériels qui font défaut et ensuite, les appliquer aux faits
de la cause. Le requérant estime que cette décision pose une difficulté
sérieuse au regard de principes suivants :
- l’article 34 de la Constitution (matière réservée
au législateur) ;
- les articles 7 et 8 de la Déclaration de
1789 (définition des infractions) ;
- l’article 16 de la Déclaration de 1789 (séparation des
pouvoirs).
35. Le requérant conteste
l’arrêt du 16 avril 2013 et, refuse son application au cas d’espèce, dans la
mesure où, cette décision méconnait les principes traditionnels qui gouvernent
la matière pénale :
- définition précise des
infractions ;
- séparation des
pouvoirs ;
- non rétroactivité de la
loi pénale ;
- matière réservée au
législateur par l’article 34 de la Constitution.
36. Le requérant dénonce
le fait que la 17ème Chambre du Tribunal correctionnel l’a condamné,
le 27 novembre 2012, sur le fondement d’une infraction, alors que ce même
Tribunal, par un jugement du 27 févier 2013, adressera à la Cour de
cassation, une QPC jugée sérieuse,
portant sur l’article 24 aliéna 8, qui comporte une rédaction équivalente à celle
de l’article 33 alinéa 3, sur le fondement duquel, il a été condamné.
37. Il s’agit d’une
situation qui fait « désordre », c’est pourquoi le requérant demande
à la cour, de transmettre à la Cour de cassation, la présente QPC, portant sur
la jurisprudence contestée, compte tenu de l’argumentation particulièrement
précise, solide et sérieuse qui a été développée. Le troisième critère est dès
lors parfaitement validé.
PAR CES MOTIFS
Vu la Constitution de 1958 ; Vu les articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789 ; vu les articles 23-1, 23-2 et 23-3 de l'ordonnance organique du 7 novembre 1958 ; vu l’article 29 alinéa 2 et 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881.
Vu
l’arrêt prononcé le 31 mai 2010 par la Cour de cassation, Cass. Crim., 31 mai 2010, N°
09-87578 :
« Et
attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce
qu'elle tend, en réalité, non à contester la constitutionnalité des
dispositions qu'elle vise, mais
l'interprétation qu'en a donnée la Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la diffamation »
Vu la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui s’impose aux magistrats de la
Cour d’appel en vertu de l’article 62 de la Constitution, Conseil constitutionnel, 4 février 2011, Décision N° 2010-96
QPC ; Conseil constitutionnel, 6 mai 2011, Décision QPC N° 2011-127 :
« Considérant
qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a
le droit de contester la
constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation
jurisprudentielle constante confère
à la disposition législative contestée »
A
TITRE LIMINAIRE
44.
Le requérant demande à la Cour de :
-
CONSTATER qu’il est
poursuivis devant la juridiction pénale sur le fondement de l’article 33 alinéa
3 de la loi du 29 juillet 1881 ;
-
CONSTATER qu’il conteste
la conformité de l’article 33 aliéna 4 de la loi du 29 juillet 1881 en lui même
et, tel qu’interprété pas la jurisprudence de la Cour de cassation au regard
des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de 1789 ;
-
CONSTATER que ces
questions prioritaires de constitutionnalité sont des questions préjudicielles
très sérieuse qui conditionnent l’examen du principal ;
- DIRE ET JUGER particulièrement sérieuses ces questions
prioritaires de constitutionnalité ;
- PRONONCER le sursis à statuer sur la
cause ;
- POSER les questions suivantes au
Conseil constitutionnel :
« L’article 33 alinéa
3 de la loi du 29 juillet 1881 en lui-même, est-il oui ou non conforme aux
articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de 1789 sur le plan de la
définition des critères matériels de l’infraction »
« L’arrêt Cass. Crim., 16 avril 2013, N° 13-90008,
pris en application de l’article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881,
est-il oui ou non conforme aux articles 7, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789
et à l’article 34 de la Constitution, en ce que cette jurisprudence estime que
les juges peuvent, en lieu et place du législateur, ajouter à la loi, et
ensuite utiliser ces ajouts pour qualifier les faits de la cause ».
DEVANT
LA COUR DE
CASSATION
45. Le requérant demande à la Cour de cassation de
transmettre les deux QPC au Conseil constitutionnel ;
SUR
LA DISCUSSION CONSTITUTIONNELLE
46.
Le requérant demande au Conseil constitutionnel de :
- DECLARER
DIRE ET JUGER que
l’article 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881 pris en lui-même n’est pas conforme aux articles 7
et 8 de la Déclaration de 1789 sur le plan de la définition des critères
matériels de l’infraction ;
- DECLARER DIRE ET JUGER que l’arrêt Cass. Crim.,
16 avril 2013, N° 13-90008 pris en application de l’article 24 alinéa 8 de la
loi du 29 juillet 1881 n’est pas conforme aux articles 7, 8, 9 et 16 de la
Déclaration de 1789, ni à l’article 34 de la Constitution, en ce que cette
jurisprudence s’analyse en un arrêt de règlement qui autorise le juge à ajouter
à la loi, pour ensuite, utiliser ces ajouts, pour qualifier les faits de la cause.
Sous toute réserve
François DANGLEHANT
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